Peuplées de diables ou de sorciers, lieux de mille dangers, les montagnes
constituent, au Moyen Âge, l'espace d'une altérité effrayante. Elles
sont pourtant fréquemment traversées par les marchands et les pèlerins
qui, par leurs voyages réguliers, démentent cet imaginaire de la montagne et
prouvent qu'elle n'est en rien une barrière : l'amélioration de la circulation
intramontagnarde, particulièrement dans les Alpes, est un apport fondamental
de la période médiévale. Mais si la montagne est avant tout un espace vécu,
les historiens s'interrogent sur les spécificités des sociétés qu'elle abrite. Une
autre image vient alors à l'esprit : celle de Guillaume Tell, champion d'une
communauté montagnarde qui résisterait, en tant que telle, à tout contrôle
politique.
Au-delà de la variété des cas étudiés, les actes du XXXIVe Congrès de la
Société des historiens médiévistes de l'Enseignement supérieur public, réunis à
Chambéry en mai 2003, proposent une réflexion d'ensemble sur les interactions
de l'homme et du milieu montagnard au Moyen Âge et sur l'intégration
du milieu dans le système de représentation des sociétés médiévales. La
matière y est répartie en quatre thèmes principaux : la montagne traversée, la
montagne gouvernée, la montagne vécue, la montagne imaginaire.
Tandis que les géographes s'interrogent sur le concept même de montagne,
les historiens médiévistes mettent à profit cette incertitude méthodologique
pour questionner les spécificités des « sociétés de montagne ». L'émergence
d'un ensemble de communautés plus ou moins autonomes constitue certes
l'un des héritages majeurs de la période médiévale. Toutefois, ces communautés
montagnardes ne vivent pas repliées sur elles-mêmes. Elles sont partie prenante
d'un jeu complexe de pouvoirs qui les met aux prises avec les seigneurs locaux,
laïcs ou ecclésiastiques, les villes parfois, et le prince territorial.